Sujet : J'ai raté mon but a St Cyr, posée a Ste Agnès
La semaine avait pourtant mal commencée. Le stage jeunes initialement programmé devait être annulé pour raison météo. Nous étions donc en congés. Depuis lundi se succédaient pluie et vent. Ce matin du 7 mai 2015, la météo s'annonce enfin plus clémente. Météoblue et Météo parapente s'accordent à nous offrir un créneau de vol.
Instabilité en basse couche, jusqu'a 1200, un petit SE le matin mais relativement faible et insignifiant. Le ciel est bleu, on charge alors nos M6 avec quelques pilotes présents dans l'optique de faire le petit vol du matin. Au SE il n'y a rien, on poursuit jusqu'a l'ouest. Ici la manche a air s'agite délicatement entre l'ouest et le nord ouest. Je choisis de m'installer au nord ouest. Eric et Cyril en font de même. Benoit décolle de l'ouest passe à hauteur du décollage nord ouest, il trouve directement un petit thermique sec, il l'enroule, puis le perd et redescend aussitôt... c'est pas gagné.
Malgré tout, je décide de décoller et annonce "Tous au but à St Cyr chez Joce". Moi qui passe beaucoup de temps sur les décollages, je trouve trop souvent que les pilotes manquent d'audaces. Ils attendent que le thermique les cueille en sortie de décollage pour assurer la pompe alors que bien souvent l'audace est devant, la performance est ailleurs, pas nécessaire visible. Le défit est lancé je suis gonflée à bloque. J'enroule sur 3 tours, je le perds, de nouveau j'enroule, je perds, c'est quoi ces conditions de m..... je regarde Benoit, nous sommes pleins d'interrogations sur l'aérologie. Je le rejoints sur la pointe sud ouest, ca monte de nouveau puis plus rien! En une fraction de seconde j'en décide de quitter le décollage, je file mains hautes vers le champ des croisements, Guy Cêtre vient de le faucher, c'est mon dernier espoir. Benoit opte pour le retour au nord ouest, cette décision lui sera fatale.
J'arrive au dessus de ce champ avec suffisamment de gain, le dépasse pour trouver le thermique que j'imagine dériver en SE. Bingo, il est là. Benoit tente de me rejoindre mais il est trop bas pour attraper ce premier vrai thermique. A 1100 m il faiblit, je décide d'avancer vers Vaulgrenant, il n'y a pas grand chose alors je poursuis sur Mouchard pour attraper le fameux thermique de la gare. J'arrive pour une fois suffisamment haute. Il est là, mais désorganisé, je charogne et prends le risque d'étendre ma recherche en me jetant au dessus de la gare, je reprends 500 mètres. La dérive me décale en nord ouest sur la crête des antennes. Toujours déterminée à atteindre St Cyr je profite de ma remontée pour organiser ma future transition. Enfin à 1050 m, j'entrevois des barbules se former. Elles sont vers l'ouest, j'attrape mon premier barreau et file vers ce que j'imagine être la source du thermique naissant. Il cueille ma M6 comme une évidence. A 1200 m je rencontre de nouveau un cisaillement, je finis par le quitter 100 mètres plus haut. A ce moment j'entends dans ma radio une voix d'encouragement que je reconnais. Joce m'a repéré dans le ciel depuis sa maison. L'euphorie est palpable entre moi qui suis en train d'atteindre mon objectif matinale et Joce savourant l'arrivée de parapentiste chez lui. A l'entrée du but fixé, une nouvelle barbule se forme, je prends le thermique, pourquoi s'arrêter. J'enroule l'ascendance, oubliant que je suis en train de dépasser mon but. Une fois a 1300 m je recommence à regarder autour de moi, je ne reconnais plus rien. J'entends la voix de Joce qui m'invite a continuer mon chemin, en fait je suis en direction de Vadans. Eric fait un point bas aux Arsures avant de reprendre 1300, mais le bois d'Usier sera impossible à franchir . Une nouvelle barbule se forme pour moi, je décide donc de poursuivre mon chemin, tant pis pour le café proposé par Joce, j'annonce à la radio que je continue mon vol. Ce sera mon dernier message avant la coupure radio. A partir de ce moment là mon vol va devenir un rêve pour moi et un cauchemar pour les autres qui n'auront pas entendu l'info.
A Vadans je ferais le meilleur gain du vol: 1470 m, la plaine s'allume au fur et a mesure de mon avancée. Je décide donc d'y restée et prends la direction du sud. Le sol est contrasté en cultures, les déclenchements s'enchainent. Pourtant à partir de Poligny un voile va s'installer et se densifier. Je pense que mon temps de vol est compté. Les transitions sont courtes, mon premier point le plus bas se fera en entrée de Domblans et malgré ce voile je retrouve régulièrement des thermiques. A 1300 en sortie de village j'aperçois Lons le Saunier, il me vient à y croire. Je me retourne une dernière fois pour visualiser le Poupet. Quel plaisir de voir cette montagne, au quelle on est tant attaché, s'éloigner. A cet instant je n'ai plus qu'un objectif: passer Lons Le Saunier. Je sais que l'option plaine est bonne, j'y reste, je remonte à 1200 m en entrée de Lons ce qui me permet de contourner la ville par Montmorot. Lons Le Saunier est maintenant 900 m sous mes pieds, j'exulte, je grave l'instant avec ma Go Pro. Le voile n'a pas éteint l'instabilité, il semble même soulever la masse d'air comme une sorte de restitution. Je sens que Mont Myon est faisable, mais désormais c'est le pilote qui est en train de s'éteindre. J'atteints mon maximum d'autonomie: 3h de vol. Je commence a bâcler les ascendances, à lâcher les thermiques et entame une descente en rêvant cette fois ci de poser à Ste Agnès.
Il n'est que 15h09 quand je me pose, le pieds sont sur les terres de Ste Agnès. J'ai raté mon but fixé... mais j'ai réussit un rêve (fière de mes options), il faut désormais travailler l'endurance. Maintenant il tant que j'appelle Eric car il doit être mort de trouille!