Sujet : Récit de la Super Finale
Hello,
Voilà la première partie de mon récit de la super finale, de la manche une à la manche quatre.
Désolé ça me prend un peu de temps . Le reste est à venir.
" Les mouvements du bus me bercent tranquillement. La pression s'envole, l'émotion prend sa place. Doucement. Le masque tombe pour la première fois depuis le début de la compétition. Je peux me laisser aller de nouveau, remettre mes lunettes, fermer les yeux et choisir une musique pour fixer cette sensation fugitive, ouatée, béate. J'ai tenu ces onze jours de compétition sans craquer, en tenant une ligne de conduite pour arriver à mes objectifs. Et cela vaut tout l'or du monde.
Cela ne s'est pas construit dès la première manche, non. Il a fallu que je prenne confiance, que je me persuade que je n'étais pas là au hasard d'une sélection heureuse par le classement européen de la PWC. Que je pouvais jouer quelque chose, que je pouvais trouver ma place dans les grappes, en compagnie des meilleurs pilotes du monde.
La première manche fût une longue hésitation de trois heures. Dès le start. Que faire ? Où me placer ? Plutôt en plaine ? Plutôt en montagne ?
Je finis par opter pour la plaine dix minutes avant l'ouverture de la course. Pas forcément au mieux, pas un début idéal. Heureusement notre option pour attaquer la B1 fût la meilleure. Trois thermiques à 3m/s enchaînés sous les jolis cumulus, tandis que les montagnards galéraient dans l'ombre. Une erreur de flottement avant B1, je vis mon écart se creuser avec ce groupe de tête offensif. Et surtout l'option montagne fondre sur moi. Horreur.
Et toujours ce sentiment intense d'indécision au fond de moi. Est-ce que je garde ce 1.5m/s ou est-ce que je file sur ce groupe qui semble monter plus vite ? Et si leur cycle s'arrête ?
Même mes points forts paraissaient endoloris. Cette première manche était... une difficile première manche !
A l'issu d'un (enfin) bon choix de vz, je finis par recoller le gros de la troupe. Avant de sombrer de nouveau dans une attaque à contre-temps; en-dessous, devant, inefficace.
Souviens-toi les mots du coach, ne t'enfonces pas dans tes temps faibles.
Alors ce 2m/s, je ne le laissai pas passer histoire de me remettre en selle, histoire de trouver un second souffle.
Les cumulus étaient moins fournis sur la fin de manche. Vingt kilomètres du goal, la transition s'éternisait depuis un peu trop longtemps. Les plus bas commençaient à zigzaguer nerveusement, à la recherche d'un petit quelque chose salvateur. L'on finit par le trouver, ce petit quelque chose. Ne pas perdre patience, même si le goal n'est plus très loin. Un groupe plus sur le trait trouva le monstre sur un beau contraste coiffé d'un petit nuage.
Attends, t'es trop bas. Laisse glisser. Hé merde... Le thermique était tellement fort qu'on ne pouvait se permettre de laisser passer tant de pilotes.
Bien centré dans le 6m/s, les yeux sur le GPS. Huit de finesse, allez va t-en ! Le reste ne fût qu'une rentrée au goal sans suspense dans une masse d'air active, après 90 kilomètres de course sur un rythme effréné. Dans les 60. Il allait falloir retrouver la sérénité pour augmenter le niveau.
La manche deux fut tout à fait différente. La Colombie semblait vouloir tester notre capacité d'adaptation. Dès le start, plusieurs options se dessinèrent, soit par choix soit par dépit, à cause d'un cruel manque de soleil. Placé entre le choix et le dépit, je ne pris pas encore un bon départ. Mieux que le choix des dépités ? Même pas sûr...
Une faille dans l'espace temps semblait s'être ouverte. Mon kilomètre de retard semblait avoir grandi de manière exponentielle. Il ne manquait plus que Jean-Marc et Julien me mystifient dans le thermique pour que je vide une partie de mon ballast de colère... et en parti sur moi.
En compagnie de Lucas, Jojo, et quelques autres, nous continuâmes notre bonhomme de chemin, sur un rythme peut-être trop faible, croisant le groupe de tête à 6 kilomètres de B1. Le moral en prend un coup, d'autant plus que nous leur marquions le meilleur thermique de la journée.
Une superbe ligne de confluence se dessinait maintenant devant nous et le changement de rythme était largement perceptible, le barreau de nouveau au bout des pieds. Avant de faire demi-tour et de retrouver le Mordor, de nouveau. Mais sur un autre rythme que précédemment, ayant intégré qu'une grappe de superfinale vole vite même quand tout semble se corser. Peut-être nous étions nous trop laisser endormir par le manque de soleil ?
Je négligeai une ou deux vz pour initier le changement de rythme de vol. Mon placement, mauvais au début, s'améliora rapidement quand je me plaçai sous le vent des buttes, trouvant ainsi une trajectoire sur la route des déclenchements. Je vis le groupe plus au vent coulé tandis que je fondais sur le thermique matérialisé de Zarzal. Enfin, je pouvais retrouver l'efficacité de la grappe et les barbules.
Mais devant, plus rien ne filtrait. Le long glide qui suivit se joua à finesse max, tous tendus vers le prochain déclencheur artificiel, seul capable de nous sauver d'un posé inéluctable: les cheminées d'une usine de cannes à sucre. Et en effet, le thermique nous renvoya au nuage pour une nouvelle partie de jeu d'ombre sans lumière.
Tous les voyants étaient au rouge. Le groupe s'arrêta dans un thermique anémique sur le chemin, tandis que j'observais un groupe venu de la plaine fondre très bas sur ce qui semblait être pour eux la zone de la dernière chance. Des pilotes de mon groupe partaient déjà.
Pendant ce temps, le groupe des survivants remontaient. Je temporisai dans mon zéro histoire de réfléchir quelques secondes. L'ombre devant, mais aussi la pluie. Peut-être jouent t-ils l'annulation ? Ou peut-être veulent-ils profiter de ce gain pour planer le plus loin possible ? Et s'ils avaient tords ? Pourquoi ne pas rester avec ce groupe qui remonte doucement ? N'est-ce pas le moment de changer de groupe ?
Cruel dilemme.
Je finis par partir dans ce long glide suicidaire. Au sol, une fois les pieds rageurs à terre, l'herbe était encore humide de la fine pluie tombée. Aucune chance de s'en sortir. Les pilotes posaient les uns après les autres.
Ah deux voiles dans un feu qui sortent. Ah et le groupe des survivants qui se dirige vers ce petit cumulus dans le relief. Hé merde...
La plupart passeront de peu notre position, certains feront encore un bout de chemin. Il me manquait encore un petit quelque chose. Un peu plus de confiance. J'aurais du rester avec le groupe en train de monter. Ni plus, ni moins.
Enfin la manche 3 sonnait le réveil. Enfin je regardais les autres pilotes de haut au start. Enfin j'étais dans le rythme, avec l'envie de me battre. B1 et B2 se firent sans soucis, dans le groupe de tête.
Une dizaine de pilotes sortit mieux dans les cycles désordonnés de B2 et prirent l'avantage. Mais la course était encore longue. Alors je négociai le point dur en milieu de plaine avec calme, en laissant bien prospecter les autres à ma place, ne faisant que rebondir sur les meilleurs cycles. Au loin, une épaisse fumée se formait, futur théâtre de la chose la plus incroyable qu'il m'ait été permis de voir.
Un énorme feu brûlait à côté de B3. Une Ozone en difficulté, proche du posé, s'y jeta la première... pour une envolée mémorable, faite de fermetures, vrilles et décrochages. En attente dans mon thermique à 2m/s, je restai bouche bée à la vue de tous ces pilotes se ruant dans cette horrible cheminée. L'incrédulité laissa la place à la colère devant ce spectacle effrayant.
Je lâchai mon ascendance et parti loin de cet endroit, quitte à poser s'il le fallait. Heureusement une superbe confluence, avec un joli 6m/s en point d'orgue me remit en selle. Il fallait bien ça pour concurrencer le 15m/s du feu...
Un groupe puissant se reforma, pour concurrencer un autre groupe décalé sur la plaine. Le match allait donc se jouer sur une parallèle. Quelle ligne allait gagner ?
Au fur et à mesure de notre avancée toute accélérée, la plaine semblait marcher un petit peu mieux. Le groupe concurrent devait avoir un demi-thermique d'avance.
Avant la dernière balise, je tentai un placement plus à l'ouest de mon groupe en compagnie de Michael Kuffer et little Maurer. Mais finalement peu convaincu par le début de transition, je revins sur une ligne plus à l'est, devant le groupe qui s'était arrêté enrouler mais bien plus bas. Quant au groupe concurrent, il venait de se remettre sur notre ligne, avec 2 kilomètres d'avance.
Grâce aux urubus, je dégotai un monstre thermique qui me replaça en bonne position. Et qui nous laissait ensuite toute la place pour fondre sur nos concurrents, tombés dans un trou.
Balise, demi tour. Objectif goal.
Le 4m/s sur notre route nous facilita grandement le travail. Cependant, je n'attendis pas d'être aussi haut que les autres pilotes m'accompagnant, histoire de rentrer avec le groupe des 25. Pari gagné avec un peu de gras sur le goal. J'étais enfin lancé.
La manche quatre fut de nouveau une superbe journée de vol, comme on en voudrait tant, peuplée de superbes volutes blanches matérialisant de belles et larges colonnes, tendance multicolores.
Le début de vol se fit sur les reliefs, en cheminement tout accéléré pour arriver à B1 ou le premier 4m/s du vol venait honoré l'apparence grandiose du ciel.
S'ensuivit une belle traversée de la plaine en direction de Zarzal, en peu en avant du groupe, conscient maintenant, et que sur cette compétition, il valait mieux partir avec le groupe même un petit peu en-dessous, que de faire un tour de plus pour se remettre à niveau. La vitesse de vol incroyable ne pouvait permettre ces méthodes de contrôle trop attentistes. Roldanillo semblait être la terre des attaquants. Contrôle semblait rimer avec tête de groupe.
La B2 effectuée, il fallait remonter au nord pour rejoindre des reliefs à trente kilomètres d'ici.
Un peu en arrière du groupe de tête, après avoir essuyé une fin de cycle trop faible, je me remis en chasse. Un replacement plus à l'est du groupe et je tombai sur un magnifique thermique à 4m/s que le groupe n'avait pas senti, tirant ainsi tous les poursuivants dans ma direction tandis que la tête perdait maintenant toute sa domination, obligée de s'arrêter dans un vario nettement moins bon que le notre. Je me retrouvais alors à l'avant de ce nouveau groupe de tête.
Nous pouvions maintenant transiter en coupant au milieu de vallée pour retrouver la traditionnelle zone de confluence, bien marquée. Ce fut encore une envolée mémorable qui nous y attendait, timing parfait pour aborder une transition moins aisée vu le manque cruel de cumulus sur le chemin vers le relief. Collé au nuage et en avant du groupe, quelques confettis dans les pieds.
Ce changement de système, plaine/relief, se fit finalement sans trop de difficultés, malgré le phénomène de désertification commun dans ce genre de situation. Le relief se laissa raccrocher aisément, mais le groupe emmené par l'incroyable Maurer avait fini par combler son retard. Soit, il restait encore 50 kilomètres.
Il y en eu 30 de pure folie, dans de superbes zones de flottement. Je faillis perdre pied juste avant l'avant-dernière balise, mais un replacement en zone ascendante puis une bonne montée en thermique me permirent de me replacer au coeur du groupe de tête, juste à l'orée d'un changement de rythme clairement identifié. Du bleu, du bleu et du vert...
Cependant, je négligeai encore les trop petits varios. Je ne voulais pas perdre la tête avant l'explosion du groupe vers le goal. La dernière balise nous gratifia d'un bon thermique, que j'identifiai comme étant potentiellement le dernier. Tous les sens en éveil, je repérai quelques urubus plus au sud de notre ascendance. Je repris ainsi une belle place dans le groupe à un moment clé. Quelques bonnes lignes et le goal serait à nous !
Et en effet, le début de transition fut plutôt bon. La course n'était pas encore lancée, chacun les yeux rivés sur la finesse au goal indiquée sur le GPS, chacun optimisant encore son régime de vol. Luc se déporta sur la gauche pour trouver une ligne dont seul lui à le secret. Le groupe en profita mais peut-être un peu moins bien. Mais la finesse requise était maintenant descendue à 7.7.
La course s'enclencha, presque la fleur au fusil. Malheureusement, à 4 kilomètres du goal, la masse d'air sembla ne plus vouloir nous porter. Nous tombions du ciel.
Vite, ouvre les yeux. Les urubus, juste à gauche. Ca porte, relâche l'accélo, prends appuie sur tes B. Souffle.
Mais ce court flottement fût suivi par un autre affaissement au passage de l'arrêt des points temps. La ligne remontait dangereusement dans mon champ de vision. Puis Maurer posa quelques mètres avant, Donini sur le tarmac. Tout sembla s'arrêter. Apnée.
Vas-tu passer ? Ca craint...
Nouvel affaissement proche du sol, instinctivement je dégainai tout mon débattement d'accélo. Surement dans l'idée d'emmagasiner un maximum de vitesse pour passer en flair. Même pas sûr de cette réflexion a posteriori. Pas le temps de réfléchir, ce qui comptait c'était de passer cette ligne. J'étais loin au début de mon flair. Passera, passera pas. Un peu de vent arrière, de la vitesse, un max de réussite et je m'écrasai heureux et du bon côté. Limite ténue entre sourire et larmes."
Dernière modification par Max (13-02-2013 19:54:58)