Sujet : Amis auto stoppeurs, unissez-vous!!
Dimanche, 14 hrs au Dafoy. Une bande de joyeux lurons fait l'attraction devant le déco: Wing appuyés, virages au ras des branches et descentes en Sat! Ils viennent de Besançon, de Montbéliard et des Vosges. Bon. On va essayer de se frayer un passage là au milieu, hein. Je décolle. Ils partent se poser! Je leur ai fait peur? Je regarde autour de moi. Bon, d'accord, c'est sombre derrière, mais pas de quoi absorber un parapentiste et son sandwich. Enfin, je ne vais pas me plaindre, le ciel est à moi, tant mieux.
Monter n'est pas ce qu'il y a de plus facile. Après une ascendance qui me dépose 200 m au dessus du déco, je prends la direction de la côte. Je croise des bullettes mais rien de bien organisé. Je reprends sur Marnoz à l'aplomb des éboulis, à l'entrée du Venturi, dans un beau +3, mais je le perds vers 1 100m. La dérive est Nord-Ouest, et m'emmène en direction du front orageux qui barre la forêt de Valempoulières. Je pousse l'accélérateur sur le Bégon puis Aiglepierre surplombé d'un beau cum. ça remonte à nouveau mais la dérive me ramène sur la crête, alors que j'aimerais bien glisser sur la plaine. Je tire sur les Arsures. J'ai du mal à intégrer la dérive. Après 20 ans de vol, le vol en crabe est toujours une torture pour mes sens: j'ai l'impression que mon aile ne vole pas droit, je me crispe dans la sellette, bref je suis pas détendu, ce qui ne favorise pas la perception de la masse d'air. Je finis par glisser en direction de l'aérodrome d'Arbois, après avoir négocié quelques tours dans des bulles au dessus des Arsures. En finesse, je ne suis même pas sur de passer la zone industrielle. Je croise enfin un thermique qui ressemble à quelque chose, à hauteur de Montigny les A. De tours en tours, il me dérive sous le vent de Vauxelle, mais comme ça monte bien, je laisse faire. Vers 1200, au dessus d'Arbois, je transite à l'ouest de Pupillin, en direction du prochain cumulus dégagé du front orageux qui n'a pas l'air très virulent. Il n'avance que très lentement. Il pleut fortement sur le plateau, ce qui est plutôt signe d'un affaissement. Je regarde sous le vent de ma route. Les cumulus sont raisonnables. Du côté de Poupet, ceux qui se sont développés à la verticale ne sont pas particulièrement fougueux. J'ai encore une bonne marge.
Je fais donc le plein à l'ouest de Pupillin (1 300) puis mets le cap sur la zone industrielle de Poligny. à Hauteur de la Grange Félizot, au dessus de la nationale, je reprends l'ascendance qui me permet d'arriver haut sur la zone. Nouvelle ascendance, toujours en bordure du front sous le vent de la zone puis direction St Lotain, où la petite crête, au soleil, devrait collecter ce qui monte autour. Replaf (!) à 1 300 environ. Je ne monte pas jusqu'aux barbulles, faut pas exagérer quand même! Je transite sous le prochain nuage un peu dégagé de la masse nuageuse qui met tout le Revermont à l'ombre (Il pleut sur château-Chalons). Replaf au dessus de Mantry. Je regarde vers le sud. à ce rythme là, je poserai pas loin de Bourg en Bresse. Je m'avance sous la limite du nuage, au soleil, je croise un thermique un peu puissant mais difficile à délimiter. un, deux, trois tours, inversion, j'allonge la branche face, je le perds, je repars vent de cul et ne le retrouve pas! Je vais quand même pas me jeter au milieu de la base noire ou deux rapaces jouent les filles du vent! je repars vent de face, deuxième barreau, en espérant retrouver une autre ascendance: je me prends la moitié de la voile sur le coin du nez. Après la réouverture, je comprends que j'ai brutalement changé de masse d'air. Je ne suis plus dans un flux de Nord mais dans un flux d'Est qui doit correspondre à l'air qui redescend du Plateau après avoir été refroidi dans le cunimb. Les arbres dansent la gigue et il ne me reste plus qu'à trouver un champs dégagé pour ne pas me faire essorer en approche. Je pose à Desnes, à 37 Km.
Après un transport express de Desnes à Vincent, soit 2,5Km, je me mets en marche sur la petite départementale. Les voitures passent, grandes, grosses, petites, jurassiennes, suisses, hollandaises. Aucune ne s'arrête! après 4 Km de marche forcée et des pensées inavouables qui commencent à germer, je jette le contenu de mon sac au milieu de la route, saisis mon casque et m'allonge sur mon matériel. Les voitures ralentissent, mettent leur warning. les passagers me regardent, amusés, étonnés, offusqués: aucune voiture ne s'arrête! Si une! ha enfin. Je me retourne. Un torillon sort de la golf, et me gueule:" faut pas rester au milieu d'la route, hein". Je lui souris et lui demande:" vous voudriez-bien m'emmener jusqu'à la nationale?"
Ah non, j'te monte pas dans ma voiture, mais toi tu vas...."
Je ne souris plus: "Alors écoute connard, tu me parles pas comme ça, et si t'es pas heureux, tu remonte dans ta caisse et tu te casses!" Il ouvre de grands yeux, ses épaules s'épanouissent, ses biceps se gonflent (il est costaud le mec, genre portugais maçon, et il a pas aimé le "connard"): "oh, tu m'fais pas peur, toi, tu vas voir..." Je reste allongé sur ma voile.
"j'vais voir quoi! Et pourquoi t'aurais peur, j'fais du stop c'est tout, maintenant tu t'casses". Il fait demi tour.
"attends, j'vais aller t'chercher c'qui t'faut, tu vas voir! des mecs comme ça..." et il disparaît dans son automobile.
Je me relève, je replie mon matos mais garde le casque. Ce serait bien que la prochaine voiture s'arrête, quand même. (je vous fais pas un dessin!)
Un couple et ses deux enfants s'arrête. La voiture est chargée, mais ils trouvent la place pour mon aile et moi. Ils m'ont vu passer depuis l'étang où ils se baignaient. Ils me poussent jusqu'à l'entrée de Poligny. Puis, ce sont deux jeunes qui me récupèrent dans leur 106 et me déposent aux Arsures. Il pleut, J'appelle Charles, qui me récupère et me remonte jusqu'à Poupet.
Le stop devient calamiteux. Ou alors c'est aussi un signe de vieillissement. Avec l'âge, ça marche moins bien. La FFVL devrait se pencher sur le problème et lancer une campagne de sensibilisation. En plus, c'est tout à fait dans la mouvance "développement durable",hein!